Au hasard du Chemin : extraits

accuei7

Textes issus du recueil Au hasard du Chemin © 

Départ (1er texte du recueil)

Nuit
En gouttes d’eau
Matin fébrile
A la lueur de mes espoirs
Départ
Sans bruit
Sans lumière
Crainte diurne du voyage

Les lumières des villes qui s’estompent
Brille l’éphémère sous mes pieds

Attention
J’inspire je quitte j’expire
Je pars
Moment dissolu
Je pars
Plus de musique
Plus de rires
Plus de passé
Il n’y a qu’un visage
Un rêve
Tension vivante permanente

Devant mes pas
Je devine la douceur l’excitation
L’extase de la découverte
Avec mon sac à idées et mon bourdon
Quand la voix cherche les contours du monde
Pour qu’un nouveau jour se lève
Devant mes pas
Je devine.

Le Pont de la Reine

Le seuil de la porte
Vers un nouveau pays
Puente la Reina
Je regarde
Les premières cigognes se précipiter sur tes cheminées
Les pèlerins boiter vaciller puis abandonner
L’église du Crucifix et ses Templiers
Je te vois
Cité jacobine
Où mille chemins se rejoignent en un
Où l’illusion de la route s’envole
Où les arches de ton pont s’embourbent dans l’Arga
Des colosses aux pieds fendus
Je devine
Les moines les soldats les hospitaliers
Se fondre
Peu à peu dans le temps
Dans l’air inconnu
Où flottent chimériques
Mes rêves
Ma révolte
Mon nom

Je veux
Marcheur aux semelles de sable
Habiller de rouge les montagnes
Combattre les mots les erreurs
Oublier la peur
Bavarde qui ceint mes envies
Je me hâte
Et je veux
Porté par le présent voyage
Ranimer l’amour transi
Comme justice le demande
Et pitié me lie

Ville du roi de la reine
Je devine chose nouvelle
Invisible langage
Assurément inédit
Car il n’est pas d’ici.

Cette marche

Cette marche
Si violente
Si fragile
Cette marche
Belle comme un lever de soleil
Quand la lune ronde illumine le ciel rougissant
Au-dessus des montagnes
Cette marche si terrible
Cette marche si puissante
Si tranquille
Si sereine
Et si déroutante
Santo Domingo de la Calzada
J’arpente
Monts et vallées
Sur ta fameuse chaussée
Tremblant de peur comme un enfant tapi dans le noir
Et sûr de moi
Comme une force immobile au milieu des soupçons
Des doutes des interrogations
Cette marche oui
Qui intrigue les hommes
Qui les fait parler
Qui les fait blêmir
Parce que l’absence guette le danger
Lentement doucement assurément
Cette marche souveraine
Sur le chemin des étoiles
Si vivante encor
Si riche
C’est la tienne
C’est la mienne
Cette aventure toujours nouvelle
Qui ne change pas mais
Transforme l’être en humain.

Entre-deux

Je suis assis
Au milieu de la place
Mon esprit se trouble
Plein de stupeur
De fatigue de labeur
Mon ombre change d’apparence
Ce voyage
Cette odyssée devrais-je convenir
Me laisse une telle empreinte
Que je vois bien
Que rien ne pourra
Ni l’effacer ni l’obscurcir

Je suis assis
Au milieu de la place
Et je songe à ma famille
Mes amis mon devenir
Mon autre à venir
L’envie alors me ronge
De rejoindre cette terre
Le cri des enfants
Le rire des anciens
Se mêlent à ma fièvre
Soudaine
Plus lourde que la pierre

Je suis transi sous le soleil
Implacable
Un chant mozarabe
Entre les doutes
A cappella
Je vois se dessiner
En rêve en espoir
A l’horizon
L’ombre d’une promesse
La fierté presque nue
Et moi
Doigts trempés de larmes
Qui trace ma vie dans le sillage des étoiles
L’expérience déchire mon sang
J’écoute
Tout fuit tout passe
L’espace efface le bruit.

Dernière fois (dernier texte du recueil)

J’arrive à la fin
De mon premier voyage
Et avant que le soleil
N’attelle ses rayons
A une autre étoile
Comme elle sort d’un cœur qui se lamente
Une autre voix s’exprime
Et sort de ma bouche :
« De peur de pudeur
Sois libre
Et ne parle plus comme homme qui rêve
La vie maintenant
Est prête à te donner quelques instants
Saisis-les au vol
Et rapporte ces mots
Au monde
Dont la vie est course à la mort. »

Cheveux fous
Bouche dévorante
Lecteur, une nuit d’été
Le mois de juin
Le pèlerinage de St Jacques de Compostelle
Sur le champ des étoiles
C’est peu et beaucoup à la fois
Cette marche
C’est peurs et doutes
Et joie et amour à la fois
Toi qui me lis à présent
Vois mes jambes
Loin devant les vents méchants
Mon cœur
Lavé comme l’eau du Léthé
Peut effacer les péchés
Lecteur
Je te retrouverai
Dans l’espace de ces feuillets
Et après
Toujours encore à jamais
Je le sais
Tu le sais.